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01/10/2007

Plaques minéralogiques. Vers une nouvelle héraldique?

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A partir du 1er janvier 2009, les numéros de départements figurant sur les plaques d’immatriculation vont disparaître. En effet, il a été décidé d’attribuer un "numéro à vie" à chaque véhicule. La localisation des différents propriétaires éventuels d’un même véhicule devient donc sans intérêt. Cependant, "pour tenir compte de l'attachement des automobilistes à leur territoire, ils pourront, s'ils le souhaitent, faire suivre le numéro d'une identification locale". Cette référence facultative pourra soit être le numéro du département, soit un logo. Elle apparaîtra sur la partie droite de la plaque, symétriquement au logo européen.

Il faut bien vivre avec son temps et on ne va pas ici se répandre en jérémiades sur l’abandon programmé du numéro de département (car dans les faits bien peu de personnes vont l’apposer, même si cela reste permis).

Notons cependant que 64% des Français disent regretter cette décision. Si on n’interrogent que les femmes, on atteint même le chiffre de 67% (ces dames seraient donc plus conservatrices ou simplement plus sensibles à l’héritage du passé ?). Dans les campagnes, on passe même à 70%. Cela veut donc tout de même dire qu’on ne tient guère compte de l’avis des populations dans nos sociétés dites démocratiques.
Le Ministère met en avant des arguments logiques : éviter du travail inutile lors d’un changement de propriétaire et mieux contrôler le nombre réel de voitures en circulation. Evidemment, quand on prend une mesure, il faut bien la justifier. Notons cependant que les arguments avancés ne sont pas très pertinents. En Belgique, par exemple, un propriétaire peut, s’il le désire, conserver la même plaque toute sa vie. Il suffit d’encoder, dans le fichier central du Ministère, les références du nouveau véhicule et de les associer à l’ancienne plaque. Ce système permet donc de limiter l’attribution croissante de nouveaux numéros tout en sachant exactement qui possède quoi (puisque l’ancien véhicule est soit déclassé, soit revendu à un tiers).
La réalité, c’est que ce n’est pas la France qui a décidé toute seule de modifier ses plaques minéralogiques. La mesure, en fait, est européenne. Il faut tenter d’uniformiser les plaques sur tout le continent. Ainsi elles devraient toutes être noires sur fond blanc, avec le logo européen bien en vue à gauche (or on lit de gauche à droite), logo sous lequel on retrouvera la lettre attribuée à chaque pays (F pour la France), mais comme une simple indication. Nous serons donc d’abord européens, puis ensuite français, allemands ou espagnols. C’est donc là une manière habille de nous forcer à dépasser nos anciens clivages nationaux. Dans un tel contexte d’uniformisation, on comprend que les références régionales deviennent superflues.
Quelque part, c’est paradoxal, puisque l’Union européenne n’arrête pas de nous parler de l’Europe des régions. Quand on y réfléchit d’avantage, on voit qu’il y a moyen de trouver une explication. D’un côté, il s’agit d’affaiblir les états nationaux (lesquels ont une fâcheuse tendance, celle de multiplier les règles visant à protéger leurs citoyens, ce qui constitue, du point de vue libéral, une entrave à la libre circulation des biens et des richesses). Il convient donc de mettre en avant les régions, lesquelles seront de toue façon trop faibles pour imposer une législation efficace (sur la protection du travail, par exemple) face à l’appétit des grands groupes financiers ou industriels. De plus, cette émergence des régions permet de rassurer les citoyens, qui commencent à se sentir un peu perdus dans la maison Europe, laquelle ne cesse de s’agrandir. Ils se raccrochent donc à leur région comme à la seule entité qui a encore un sens pour eux sur le plan humain. On sera donc d’abord breton ou auvergnat, puis européen (et éventuellement français pour les attardés qui ne parviennent pas à évoluer). Il est donc logique pour l’Europe de promouvoir les régions, ne serait-ce que pour imposer sa propre autorité supranationale.

Dans le cas des plaques de voiture, cependant, les mentalités n’ont pas encore assez évolué pour faire disparaître l’appartenance nationale au profit de l’appartenance régionale. On a donc joué sur le logo européen et l’uniformisation pour tous (noir sur fond blanc. La Belgique, avec ses plaques caractéristiques, rouge sur fond blanc devrait aussi évoluer). S’agissant d’un signe visible et lisible, la plaque, comme les anciens blasons en héraldique, se veut avant tout un symbole d’appartenance. Nous sommes donc tous européens.

Tout ceci étant dit, personnellement, je regretterai l’absence de référence aux départements. Il y avait quelque chose d’exotique à identifier ainsi des voitures provenant de Corse (2A), du Midi (83, le Var ; 84, le Vaucluse), des monts d’Auvergne (63, Puy de Dôme) ou de ces régions à la nature sauvage, pas encore tout à fait domestiquée (48, la Lozère ; 43, la Haute-Loire), etc. Ce petit plaisir nous est donc enlevé. Il a été sacrifié, comme beaucoup d’autres, sur l’autel de la globalisation. Allons, marchons (ou plutôt roulons) vers le monde meilleur de demain, celui du grand marché qui fera du moins le bonheur de certains (si pas le nôtre).