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02/10/2007

A contre-courant.

Etonnants ces moines qui défient la junte militaire en Birmanie. Chez nous, l’Eglise catholique ne nous a pas toujours montré de pareils exemples. Ainsi, l’attitude de Pie XII pendant la guerre de 40-45 a été suffisamment ambiguë pour rester dans les mémoires.
Mais ne remuons pas le passé et saluons les moines bouddhistes qui veulent rétablir la démocratie.

Tout cela est très bien, sauf que quand on y regarde d’un peu plus près, on se rend compte qu’il y a lieu de nuancer. Ainsi, il y a tout de même des années que cette junte est au pouvoir et on n’avait jamais vu le clergé manifester beaucoup d’opposition. Pourquoi ce changement d’attitude ? Et bien tout simplement parce que les moines vivent de la charité publique. Ils ne travaillent pas et c’est la population qui les nourrit sous forme d’aumônes (un peu comme l’ordre mendiant des Franciscains chez nous autrefois). Or il se fait que cette population est de plus en plus pauvre, du fait de l’augmentation des prix. Elle a donc tendance à moins donner aux moines, lesquels sont donc obligés de s’opposer au régime en place s’ils veulent survivre. C’est donc moins l’instauration de la démocratie qu’ils recherchent que des moyens de subsistance. D’ailleurs, si on les laissait faire, il y a fort à parier qu’ils instaureraient un régime théocratique (lequel, soit dit en passant, vaudrait sûrement mieux que la pseudo-démocratie que les Etats-Unis ont instauré en Irak, mais ceci est une autre histoire).

Donc, nous voilà déjà un peu refroidis quant à l’attitude des moines. Passons maintenant en revue les échos que la presse occidentale a donné des événements. Chaque fois qu’une dictature vacille, tout le monde applaudit et il faut s’en réjouir. Je n’agis pas autrement et il est clair que si les moines devaient faire tomber ce régime, même si c’est pour des motifs douteux, j’en serais le premier heureux. J’ai assez critiqué ici même l’attitude scandaleuse de Kouchner (lequel n’était pas à l’époque ministre des Affaires étrangères) qui a soutenu et tenté de justifier le rôle ambigu de Total dans ce pays. Donc acte. Si la junte s’écroule (mais elle ne montre pas le moindre signe d’affaiblissement), ce sera une bonne chose pour la population. Mais plus nos journaux parlés ou écrits en parlent et plus je me méfie. C’est un vieux réflexe qui m’est venu au moment de la chute du Shah d’Iran (oui je sais, on commence à vieillir). A l’époque aussi tout le monde se félicitait (en oubliant de dire que ce Shah avait osé s’opposer à l’Amérique en réclamant une partie des bénéfices du pétrole pour son pays). Une fois qu’il fut parti, le régime des Ayatollahs se mit en place et la situation ne fut pas meilleure pour le peuple iranien. Donc, avant d’applaudir, voyons ce qui pourrait se passer en cas de retour de la démocratie en Birmanie.

La chose est assez prévisible. Il doit y avoir du gaz ou du pétrole dans ce beau pays, puisque Total y est déjà implanté. Donc, ce sera la ruée vers l’or (noir). Auparavant, il faudra éloigner les Chinois (car la nouvelle politique est d’affaiblir ses futurs concurrents avant qu’ils ne deviennent trop puissants). Les tentatives américaines à l’ONU pour imposer des sanctions économiques doivent être comprises dans ce sens. On se moque bien du fait que de telles sanctions réduiraient à la misère une population par ailleurs innocente (voir l’embargo imposé à l’Irak avant la deuxième guerre du golfe, dont les enfants furent les principales victimes tandis que la richesse de Sadam Hussein continuait de croître). Ce qui compte, en fait, ce serait d’obliger la Chine à ne plus acheter son énergie dans ce pays et à se retirer purement et simplement, laissant ainsi la place libre pour les firmes occidentales. La Chine, on l’a vu, a prudemment refusé de telles sanctions, arguant du fait que la Birmanie n’était pas une menace pour la région et qu’il n’appartenait pas à la communauté internationale de s’impliquer dans les affaires intérieures d’une nation (elle a sans doute bien peur qu’on ne fasse de même pour elle).

Remarquons en passant qu’une telle attitude prudente est à l’opposé des thèses de Kouchner, lequel a toujours milité en faveur de l’ingérence humanitaire. Il a ainsi justifié par le passé l’intervention en Serbie. C’est d’ailleurs sans doute pour cela qu’on l’a nommé ministre aujourd’hui, sans qu’on sache si on se sert de lui et de ses idées généreuses ou s’il est complice du système.

Mais revenons à la Birmanie. Ce pays a été victime, ces dernières années, de plusieurs attentats. Sont-ils le fait de l’opposition qui veut renverser le régime, de la junte elle-même (qui peut alors prendre prétexte du climat d’insécurité ambiant pour renforcer la répression) ou, pourquoi pas, des Etats-Unis eux-mêmes, lesquels prépareraient ainsi leur arrivée en Asie ? La chute de la junte leur permettrait de couper l’oléoduc chinois et de reprendre le contrôle des voies maritimes de la région. Histoire à suivre, donc.



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