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08/01/2013

De la partialité de la presse (2)

 

http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/p-1911-Mali-tirs-de-sommation-de-l-armee-contre-des-groupes-armes-islamistes.htm?&rub=6&xml=newsmlmmd.ded1855d8d8e6b9868ce0ebbb815308d.431.xml

Comme pour l’article du Point commenté hier, il suffit d’écrire quelques mots clefs dans Google (en l’occurrence ici  « Tirs de l'armée contre des groupes armés islamistes au Mali ») et vous trouvez une bonne vingtaine de journaux qui répètent le même texte issu de l’AFP.

Comme dans cet article d’hier également, on a affaire à des groupes islamistes intégristes, venus en grande partie de l’étranger, qui s’en prennent à un gouvernement légal. La seule différence, c’est que cela ne se passe plus en Syrie, mais au Mali.

La seule différence ? Non, car l’article dit exactement le contraire de celui analysé hier. Alors qu’en Syrie on nous parlait d’une opposition qui tentait de renverser un tyran sanguinaire pour rétablir la démocratie, on nous présente maintenant des  «groupes armés islamistes » qui « occupent » le nord du Mali. C’est nettement moins valorisant, convenez-en. L’armée régulière (qui visiblement est bien vue par le journaliste) a procédé à des « tirs de sommation » (comprenez : il s’agissait simplement de se faire respecter, l’intention n’était donc pas de tuer) contre un « ennemi » qui a reculé. Ensuite, on explique pour les lecteurs qui l’auraient oublié que cet « ennemi » avait mis « deux mois et demi » pour s’emparer du nord du Mali (ce qui ne semble pas très glorieux) suite à une « offensive » contre l’armée régulière (le gouvernement  légal est donc bien victime d’une agression).

 Ensuite, on discrédite cet « ennemi », qui a dû s’allier aux rebelles Touaregs pour parvenir à ses fins, ce qui ne l’a pas empêché par la suite d’évincer purement et proprement ces mêmes Touaregs (quels traitres, ces islamistes !). De plus, ce n’est pas un mouvement islamiste unique qui s’en est pris ainsi au pauvre Mali. Non, c’est un ramassis de plusieurs groupes : les djihadistes maliens, mais aussi  Mujao (un mouvement djihadiste qui concerne l’ensemble de l’Afrique) et Aqmi (autrement dit Al-Qaïda au Maghreb islamique, le pire de tous et dont le nom seul effraie le lecteur européen). Et comme si cela ne suffisait pas pour diaboliser cet « ennemi », on nous dit que ces envahisseurs ont avec eux « des hommes de la secte islamiste Boko Haram », dont j’avoue ne rien savoir, pas plus que  vous sans doute, mais dont on devine, puisqu’il s’agit d’une secte, qu’elle doit tenir un discours déviant et intransigeant.

Bon, il faudra maintenant m’expliquer pourquoi ces djihadistes-là sont de méchants envahisseurs (qu’une armée internationale, dont la France fera sans doute partie, pourrait combattre afin de rétablir le gouvernement légal dans ses droits, ce qui serait une belle action désintéressée, convenez-en) tandis que leurs homologues qui envahissent la Syrie et la mettent à feu et à sang ont tout notre soutien.

Car si les faits décrits plus haut se passaient en Syrie et non au Mali, on aurait écrit :

  • Que l’opposition avait démontré sa force en progressant vers le Sud
  • Que l’armée avait riposté en ouvrant le feu
  • Que cette opposition regroupe différents courants (et donc qu’elle est représentative de l’ensemble du peuple malien)
  • Qu’elle occupe le nord du pays depuis des mois et que l’armée régulière n’est pas parvenue à  la déloger
  • Qu’elle est arrivée à se débarrasser des Touaregs, ce peuple semi-nomade perturbateur

Bref, il existe donc bien deux manières de présenter les mêmes faits et tout cela dépend visiblement des relations que nous entretenons avec le pays concerné. On peut donc à la fois combattre Al Quaïda en Afghanistan, s’en servir en Syrie et s’apprêter à combattre cette organisation au Mali. C’est ce qu’on appelle du réalisme politique. Le tout est de bien savoir présenter les choses à l’opinion.

Patrimoine_Nord-Mali.jpg

13:59 Publié dans Médias | Lien permanent | Commentaires (5)

Commentaires

C'est ce qu'on appelle "instrumentaliser". Et il est vrai que l'islamisme radical, depuis longtemps, sert ou dessert les politiques occidentales, selon la façon dont on le présente et selon la carte géopolitique où il s'exprime .
C'est ainsi, pour certains occidentaux, un argument sous-jacent ou clairement dit pour justifier les colonisations d’Israël : Créer un état palestinien reviendrait à créer un état islamiste sous la botte du Hamas.

Écrit par : Bertrand | 08/01/2013

L'instrumentalisation de l'idéologie du radicalisme islamique, encouragée par les démocraties occidentales, ne date en effet pas d'hier. Elle a été pratiquée intensément pour lutter contre le nationalisme arable laïque et anti-impérialiste dans les années soixante et soixante-dix du siècle passé, notamment contre le régime égyptien sous la présidence de Nasser, puis pour lutter contre l'influence de l'URSS et l'extension de différentes formes d'idéologies communistes dans le tiers-monde.
Aujourd'hui le jeu continue pour venir à bout de l'axe antiaméricain et anti-israëlien au Moyen-Orient, enrichi d'une nouvelle forme de propagande et d'action constituée par l'encouragement à une guerre civile entre sunnites et chiites. Ici, l'axe anti-occidental est désigné comme étant un triangle chiite subversif et néfaste, constitué par l'Iran, la Syrie, le Hezbollah libanais. C'est un nouvel axe du mal auquel s'opposerait un axe du bien constitué par l'alliance des démocraties occidentales et des pétromonarchies autoritaires qui produisent les djihadistes et l'islam radical depuis des décennies sous l’œil bienveillant de Washington et des capitales européennes, en dépit des retombées collatérales qui ont eu lieu aux États-Unis, à Madrid et à Londres.

Je reprends ici les propos de l'historien et économiste Georges Corm, dont l'ouvrage de référence "Pour une lecture profane des conflits" vient d'être édité aux éditions La Découverte.

Écrit par : Michèle | 11/01/2013

@ Michèle : bon résumé (je croyais que le texte était de toi). Mais ici au Mali, les inétgristes musulmans tavaillent contre nos intérêts. Il faut donc les combattre.

@ Bertrand : oui, Israël est souvent le but caché de toutes ces politiques. Je lisais hier que le ministre belge des Affaires étrangères voulait augmenter l'aide financière aux rebelles syriens (appelés pudiquement "les opposants"). En fait, cela revient à puiser dans les impôts payés par les citoyens pour soutenir des terroristes islamistes. D'où la nécessité de la propagande de presse pour que ces citoyens acceptent. Ils veulent bien se priver encore un peu plus si c'est pour une cause qu'on leur a présentée comme juste (démocatie, droits de l'homme et aide humanitaire - aide humanitaire dont on n'aurait pas eu besoin si on n'avait pas nous-mêmes commencé cette guerre).

Oublié, le coup d'état contre Allendé, oubliées les dictatures sud-américaine, etc. Et qui parle de la Libye aujourd'hui ? Pourtant l'épuration continue.

Écrit par : Feuilly | 11/01/2013

Je suis nulle en géopolitique mais il me semble que le chef de l'Etat malien à réclamé l'aide de la France ce qui n'est pas le cas du chef de l'Etat syrien...

Écrit par : Rosa | 13/01/2013

@ Rosa : certes, le chef de l'Etat malien a demandé de l'aide, mais si on l'a aidé, c'est que c'est un pays ami (comprenez : un pays où la présence occidentale est admise ou, pour le dire autrement, un pays où nous avons des intérêts économiques que nous voulons préserver à tout prix). Pour la Syrie, par contre, nous sommes en présence d'un pays plutôt hostile à l'Occident (ou en tout cas hostile à Israël, qui lui a quand même volé le plateau du Golan et avec qui la Syrie est toujours officiellement en guerre) et donc, là, curieusement, on finance des djihadistes pour faire tomber le régime. On combat donc au Mali les mêmes djihadistes que ceux que l'on soutient en Syrie (et qu'on avait déjà soutenus en Libye. Il ne serait même pas impossible que certains de ceux-ci se retrouvent aujourd'hui au Mali, avec les armes que nous leur avions données en Libye. Qui sait ?)

Écrit par : Feuilly | 14/01/2013

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