Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/01/2008

Au pays de Rimbaud (2)

Ce qui me frappe, à la lecture de ce livre sur la mère de Rimbaud, c’est la qualité de l’écriture de cette femme qui était une paysanne et qui, sur le plan scolaire, n’avait manifestement pas dépassé l’école primaire. Les quelques extraits de sa correspondance qui sont donnés dans l’ouvrage de Lalande montrent une grande clarté dans la manière de s’exprimer. Les idées sont bien structurées, bien ordonnées et le style est d’une limpidité absolue. La politesse est également présente (par exemple quand elle s’adresse à Izambard) tout en ne cédant en rien sur le fond (il s’agit de s’insurger contre les lectures que le jeune professeur conseille à son fils, comme par exemple les « Misérables » de Hugo) et on sent derrière ses mots une grande détermination. Elle ne reculera devant rien puisque plus tard, elle écrira à Mallarmé lui-même pour lui demander des renseignements sur le prétendant de sa fille Isabelle.

Il faut dire qu’elle a eu une vie rude et qu’elle avait pris l’habitude de faire face à pas mal de situations. Veuve sans l’être (séparée de corps et non divorcée, mais en tout cas abandonnée par son mari) il lui fallut élever seule ses quatre enfants en ne comptant que sur ses propres ressources. Sans parler de la guerre (celle de 1870) et du bombardement de Charleville. Quelle angoisse devait être la sienne alors que son premier fils avait disparu en suivant les soldats français et qu’Arthur à son tour s’était mis à fuguer (première escapade à Paris). Tout cela, bien entendu, alors que les troupes allemandes avançaient et qu’une partie de la France était occupée.

Cette vie semble bien être celle du temps passé et je retrouve dans la description de Vitalie Cuif pas mal de traits de caractère de ma propre grand-mère. Celle-ci était née il y a deux siècles. Cela peut paraître étrange, mais il faut bien s’exprimer ainsi puisqu’elle naquit en 1895. Mariée à 20 ans, veuve à 40, elle s’est retrouvée avec sept enfants à élever. Le mari était boulanger et c’est le fils aîné, âgé de 14 ans, qui s’est mis à travailler au fournil. Puis la guerre de 1940 est arrivée (jeune fille elle avait déjà connu la guerre de 14-18 durant laquelle elle avait même contracté la grippe espagnole) et ce fut l’exode à l’autre bout de la France, dans le Sud des Deux-Sèvres. Quand elle est revenue dans son village, tout avait été pillé et de sa maison il ne restait que les murs. Elle continuera pourtant à élever ses enfants d’une poigne de fer, sans jamais fléchir.

Moi qui l’ait connue comme petit-fils, je ne peux pas dire qu’elle avait la fibre maternelle. Ce n’était pas une grand-mère gâteaux. C’est que la vie l’avait marquée et qu’elle avait dû trop lutter pour pouvoir encore s’attendrir. Mais elle est restée d’une grande dignité et d’une grande limpidité de jugement jusqu’à sa mort. Elle aussi écrivait dans un français impeccable que beaucoup d’étudiants en lettres pourraient lui envier de nos jours. C’est au point qu’on se demanderait bien ce qu’on enseigne aujourd’hui à nos enfants pour que l’apprentissage de la langue soit aussi peu maîtrisé.

J’ai d’elle une photographie prise au début des années trente, sans doute à Charleville ou peut-être à Sedan. On y voit une femme d’une grande beauté, avec un port de tête altier et qui impose le respect. Il y avait, me semble-t-il, chez les personnes de cette génération, une grande dignité, forgée dans le malheur et que nos contemporains, avachis devant le petit écran, n’ont plus toujours.



Charleville, la Place ducale

4585c3bcf02d25b29a4244784f9d3f03.jpg

Commentaires

La "daromphe", effectivement, une femme dont le caractère nous semble exceptionnel à présent, parce qu'elle ne cherchait en rien l'exceptionnel, et dont les traits se retrouvent sans doute dans beaucoup de vieilles photos de famille, malgré le destin exceptionnel de celle-là. merci de parler si bien en son nom.

Écrit par : solko | 14/01/2008

Bonjour Solko.

Elle le mérite. Nous regardons Rimbaud du point de vue poétique, mais avoir un fils tel que lui ne devait pas être de tout repos. Quant à la femme de Verlaine, elle se trouvait dans la même position par rapport à son mari. Un génie, certes, mais un homme invivable dans les rapports quotidiens quand on est son épouse..

Écrit par : Feuilly | 14/01/2008

C'est vrai qu'être un tant soit peu artiste ou poète... o;) Cela n'arrange pas toujours le caractère! Personnes difficiles à vivre, surtout quand les assuétudes s'en mêlent: alcool, drogues, médicaments... Pour pallier bien des angoisses sans doute. Le côté blanc de la personnalité, allant du blanc au gris clair, c'est la partie créative. Le côté noir allant du noir au sombre, c'est le doute, la peur, l'angoisse, les émotions ravageantes, etc.....................

Des compagnes ou des compagnons, solides et de tout repos sont bien nécessaires dans ces cas-là !

Écrit par : Pivoine | 27/01/2008

Les commentaires sont fermés.