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29/10/2007

Ecriture

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Regards.


Mauvaise nouvelle, le quai du métro est noir de monde ! L'idée de laisser passer une ou deux rames ne m'enchante pas. Après, il va falloir courir, arriver en retard au bureau, essuyer encore une fois les remarques ironiques des collègues… Et le patron, la tête qu'il va faire ! Voilà un lundi qui commence bien mal.

Le métro arrive enfin, bondé à craquer. Je ne fais ni une ni deux : je pousse, je bouscule, je me faufile, je joue des coudes et je finis ainsi par me retrouver à l'intérieur, coincé contre la porte qui se referme avec un bruit sec. Ouf ! Sur le quai, les exclus n'ont pas l'air content… Je m'en moque: j'y suis tout de même arrivé.

C'est bien ma seule consolation. Ecrasé entre une quinquagénaire obèse et deux adolescents à baladeur, je regarde stoïquement défiler les stations. Il fait chaud, étouffant. A X. tout le monde descend ou presque. Enfin une place assise. Je sors mon bouquin et commence ma lecture. Le rêve !

C'est en relevant la tête que je l'ai vue. Jeune, fine, racée, plongée elle aussi dans un livre, dont j'essaie aussitôt de découvrir le titre. Dostoïevski ! C'est donc une ténébreuse, une passionnée des destins tragiques, une qui sait que la vie finit toujours mal. Voilà qui me plait. Nos regards se croisent. Etincelle d'une seconde. Tout est dit. Elle a baissé les yeux trop vite, montrant par-là son trouble. Intimidé, je replonge dans ma lecture. Mais les regards se cherchent, s'évitent. Puis je me fais piéger dans le reflet de la vitre, où elle m'attend déjà, regard oblique qui m'observe un instant. Que faire ? Comme un idiot je replonge dans ma lecture. Elle fait de même. Les mots défilent, incompréhensibles. Les stations aussi.
Soudain, elle se lève et descend. Adieu le rêve.

Sur le quai, elle tourne la tête, dernier regard, long et grave. Puis elle passe derrière la vitre déformante et kaléidoscopique de l'escalator, avant de disparaître pour toujours.

Qui parlera un jour de ces belles inconnues qu'on aurait pu aimer ?


Pour "Paroles plurielles"

Commentaires

Qui ? Pascal Thomas en 81 avec "Celles qu'on a pas eues" [ http://www.cinemovies.fr/fiche_film.php?IDfilm=4002 ]

Écrit par : Vagant | 29/10/2007

Heu, là on tombe un peu dans le trivial et le côté macho. Je pensais plutôt à Brassens ou plutôt à Antoine Pol, chanté par Brassens:

Les passantes.

Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais

A celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main

A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant

Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux coeurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus

Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir

Écrit par : Feuilly | 29/10/2007

C'est exactement le poème auquel je pensais en vous lisant, èvidemment, et que je chante ici. Poème qui a une histoire remarquable et que je raconte à chaque fois..
Je pensais aussi, plus rigolo, à la nouvelle de Maupassant : "Ce cochon de Morin"...Lequel Morin aurait été mieux inspiré de ne point phantasmer...J'aime aussi cette nouvelle parce que j'ai habité tout près de Mauzé...

Écrit par : redonnet | 30/10/2007

Ha ha, je savais que vous vous manifesteriez au sujet de Brassens...
Mais racontez-nous cette histoire remarquable. A part que Brassens n'a pas eu le temps de rencontrer Antoine Pol (décédé alors que le rendez-vous était pris), je ne connais rien d'autre.

Pour le reste, voici la nouvelle de Maupassant:

http://ourworld.compuserve.com/homepages/bib_lisieux/morin.htm

Écrit par : Feuilly | 30/10/2007

Toutes ces histoires qui trottent dans nos silences, le temps d'un voyage. Wittgenstein écrivait qu'il faudrait pouvoir lire sur les visages ce que les gens pensent...
Pour une fois, je préfère qu'il ait tort ! Tous ces rêves que l'on perdrait ainsi...
Mais je sais bien qu'il écrivait cela pour toute autre chose : l'opacité du langage et ces mots, qui, de l'un à l'autre, deviennent d'étranges étrangers, nous murant dans un autre silence, celui de la solitude...des êtres parlant.

Écrit par : Christiane | 10/07/2008

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